
Je suis Nanny des Marrons – La guerrière invisible
Share
L'ombre dans la forêt
1700, au cœur des montagnes bleues de la Jamaïque.
Je suis une ombre. Un murmure dans la nuit. Un nom que les colons craignent, mais qu'ils ne peuvent capturer.
Mon peuple, ils les appellent les Marrons. Des esclaves qui ont brisé leurs chaînes et fui vers les montagnes, là où la jungle est notre alliée, où les rivières nous nourrissent et où les tambours résonnent comme des battements de cœur.
Les Anglais veulent nous traquer. Ils envoient leurs soldats. Mais comment attraper le vent ? Comment arrêter un esprit ?
Je suis Nanny des Marrons. Et je ne serai jamais esclave.
L’héritière d’un empire brisé
Je suis née loin de cette île maudite. J'étais une enfant en Afrique, une fille Ashanti, héritière de guerriers et de reines.
Un jour, ils sont venus. Les navires aux voiles blanches. Les chaînes. Les larmes de ma mère qui ne pouvait me retenir. J’ai traversé l’océan. J’ai vu mes sœurs et mes frères vendus comme du bétail. Mais jamais je n’ai oublié qui nous étions.
Quand j’ai posé le pied en Jamaïque, je n’étais pas une esclave. J’étais une survivante.
L’évasion et la révolte
La plantation n’était qu’un enfer. Le fouet claquait comme un serpent, la sueur brûlait la peau sous le soleil impitoyable.
Une nuit, j’ai regardé le ciel. Les étoiles m’ont dit qu’il était temps.
Nous avons fui, mes frères, mes sœurs, mes compagnons d’infortune. Nous avons marché des jours et des nuits, traqués comme des bêtes. Certains sont tombés, d’autres ont continué. Nous avons trouvé refuge là où les Anglais n’osent pas s’aventurer : les montagnes.
Là-bas, nous sommes devenus plus que des fugitifs. Nous sommes devenus une nation libre.
L'art de la guerre invisible
Les soldats britanniques pensaient que nous étions des sauvages. Ils ne comprenaient pas que nous étions des guerriers nés.
Nous frappions la nuit, comme des esprits. Nous disparaissions dans la jungle avant qu'ils ne puissent riposter. Ils avaient leurs armes. Nous avions la terre, les arbres, le silence.
Nos tambours parlaient dans l’obscurité. Nos espions écoutaient leurs moindres plans. Et moi, je guidais nos guerriers avec la sagesse de nos ancêtres.
On dit que je pouvais arrêter les balles. Que mes prières et mes incantations rendaient nos guerriers invincibles.
L’ennemi nous appelait des démons. Nous n’étions que des âmes en quête de justice.
La liberté à un prix
Pendant des années, nous avons résisté. Ils ont envoyé leurs meilleures troupes. Nous avons tenu.
Mais la liberté a un prix. Mon peuple souffrait, affamé par le siège des colons.
Alors nous avons négocié. Nous n’étions pas des esclaves. Nous étions une armée. Et une armée se bat, ou elle signe une paix honorable.
Le traité des Marrons fut signé. Nous avons gardé nos terres. Nous avons gardé notre liberté. Mais nous avons dû promettre de ne plus libérer nos frères encore enchaînés.
J’ai pleuré cette nuit-là. La liberté n’a de sens que si elle est partagée.
L’esprit de Nanny
Certains disent que je suis morte. Que je suis tombée au combat, trahie par les balles des Britanniques.
D’autres disent que je suis devenue un esprit. Que mon sang a nourri la terre, que ma voix résonne dans le vent qui traverse les montagnes.
Peu importe où je suis. Tant que mon peuple se souvient, tant que les Marrons existent, je vis encore.
Je suis Nanny des Marrons.
Et je ne serai jamais esclave.